mardi 24 février 2009

jeudi 22 novembre 2007

IMAGES






INTRODUCTION

Le photographe Jocelyn Michel présente une quinzaine de mises en scène photographiques mettant en vedette les visages les plus connus de notre cinéma. Les grandes qualités de son travail y sont magnifiées : une fantaisie débridée, un goût des couleurs contrastées, des images léchées, un humour grinçant, un style coup de poing et sans concession.

IMAGES















PRESSE

Caméra folle pour acteurs en délire!

Odile Tremblay
Le Devoir édition du vendredi 02 février 2007

Jocelyn Michel propose un roman-photo en 15 tableaux à la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal

À la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal, l'ange du bizarre a posé son aile sur 15 photos d'acteurs québécois. Cette exposition souffle le spectateur par l'originalité de ses mises en scène. Derrière la caméra: Jocelyn Michel, 31 ans et un oeil d'exception.

Oubliez les galeries de portraits en tête de pipe. Il s'agit d'une sorte de roman-photo en 15 tableaux étranges qui disent tout et suggèrent le reste.

Un des clous de l'expo est la photo d'Isabelle Blais pataugeant dans une piscine à moitié vide, une tête de Mickey Mouse en guise d'interlocuteur, sous un ciel de nuages lourds. Saisissant également, ce portrait de Raymond Bouchard dans le bric-à-brac d'Ameublement Elvis, avenue Papineau. Quant à la scène où Marie-Chantal Perron semble s'envoler près d'un petit avion, elle relève de la fantaisie pure.

Jocelyn Michel est photographe pigiste et travaille souvent pour la revue Famous Québec. Il avait l'habitude de croquer les vedettes avec sa caméra. «Mais ça donne souvent des prises de vue tellement plates. Or les acteurs aiment jouer. C'est leur métier. Il suffit de les entraîner ailleurs, de leur dire: "Tu es un gambler, un tueur à gages, un laveur de chars. Tu viens de trouver un corps mort".»

Le directeur des Publications Famous Québec, Mathieu Chantelois, l'a encouragé à sortir des sentiers battus, lui réservant une page pour ses prises de vue insolites. Il a continué, faisant ses repérages lui-même, dégotant des accessoires ici et là, comme ce tableau sylvestre de 50 livres superposé au véritable sous-bois où Anne-Marie Cadieux pose en nymphe moderne.

La série avait commencé à l'automne 2005 avec le seul comédien français du lot, Romain Duris. En guise d'accessoires: un escabeau et un néon dans un entrepôt verdâtre de l'édifice Belgo. C'était parti.

Né à Arvida, Jocelyn Michel ne se destinait pas à la photographie. «C'est arrivé par accident», assure-t-il. Lors de ses études en sciences pures, un cours complémentaire en photo a scellé sa vocation.

Cette série, il la filme sur pellicule, retravaillant le tout au numérique. «Je veux marier la tradition à l'innovation», dit-il. Sa constance: «Une distance entre le sujet et ma caméra.» Il monte à l'assaut des mondes imaginaires, tout en couleurs et en décors délirants, collés aux réalités québécoises plus ou moins trash. Certains tableaux sont poétiques, tel celui de Pascale Bussières en prière sur une nappe à pique-nique au parc LaFontaine. D'autres sont inquiétants, par exemple Roy Dupuis en jaquette d'hôpital contemplant un squelette, variation sur la vanité de l'existence.

Dernièrement, Jocelyn Michel s'est enhardi à créer une composition à trois personnages: Gilles Renaud, Juliette Gosselin et Sylvie Moreau soudain otages d'une scène d'accident avec ambulance. «On a loué le pont Champlain, reçu l'aide de la Croix-Rouge. Mon rêve est d'aller de plus en plus loin dans ce sens-là.»

«Jusqu'ici, ça s'est passé souvent très vite, précise-t-il. Je faisais des photos pour Famous et entraînais les comédiens un moment dans un décor à côté. Comme Marie-Chantal Perron, à l'heure du tournage de Le secret de ma mère. On était près de l'aéroport de Saint-Hubert. Je lui ai dit: "Viens avec moi cinq minutes." Elle a fait mine de s'envoler. Et voilà!»

L'expo a bénéficié d'un sérieux coup de pouce des Rendez-vous du cinéma québécois, qui se sont à juste titre entichés de la série. L'an dernier, ils avaient épaulé Jocelyn Michel pour monter et accrocher six de ses photos à la Cinémathèque québécoise (reprises au Festival de l'Abitibi). Jocelyn Michel considère le cadre de la Maison de la culture du Plateau Mont-Royal comme son vrai pied à l'étrier.

Son but consiste à réunir une trentaine de photos en album. À son tableau de chasse, il brûle d'ajouter entre autres Michel Côté, Patrick Huard, Rémy Girard, Ginette Reno, Élise Guilbault, Julien Poulin, Marc-André Grondin...

Et des cinéastes?

«Je pense à Denys Arcand, bien sûr. Ce serait formidable de le diriger en train de diriger... »

Jusqu'ici, le jeune photographe n'a reçu l'aide d'aucune institution publique. Il vient tout juste de frapper à la porte du Conseil des arts du Canada, à travers une demande de bourse. «J'aurais besoin d'argent pour le livre, bien entendu, mais aussi pour faire des mises en scène plus compliquées: virer des chars à l'envers, impliquer les pompiers... »

De telles photos mises en scène existent aux États-Unis et en Europe, évidemment. Mais le concept n'avait jamais vraiment été exploité au Québec. Jocelyn Michel revendique les influences des maîtres du genre: Jeff Wall (pour l'orchestration), Gregory Crewdson (pour les montages contrastés), David Lachapelle (pour le côté farfelu).

Où puise-t-il son inspiration? Ici et là. Parfois, un lieu appelle l'histoire; parfois, le profil de l'acteur commande une couleur de mise en scène; parfois, une situation absurde impose sa loi. Le bad guy du cinéma québécois, Pierre Lebeau, a été capté dans une salle de bains publique ensanglantée d'une scène de crime. «Je voulais quelque chose à la Quentin Tarantino», dit-il. Patrice Robitaille se retrouve dans une décharge publique en train de relier des fils électriques. «Ça s'intitule "Le branché".»

«À travers mes photos, je raconte une histoire, conclut ce jeune photographe au talent fou. Au spectateur le soin de la réinventer à sa guise.»